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Le Legacy d'Alma Pearson

3 septembre 2020

1.5 - Bonheur et faiblesse

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29-08-2020_23-27-45La bonne nouvelle, c'est que ma grossesse ne m'a pas empêchée d'améliorer mon niveau de pêche.

29-08-2020_23-42-38Elle ne m'a pas non plus empêchée de me rendre au travail et de décrocher ma deuxième promotion. Pour être honnête, ce n'est pas au mérite que je l'ai obtenue mais plutôt à mon état et aux angoisses qu'il suscitait chez mon employeur ; être chercheuse de scène ouverte nécessite de se déplacer à longueur de journée et, fatalement, je finissais sur les rotules. Mon patron craignait que ma fatigue ne se répercute sur ma grossesse et ne provoque un fâcheux incident dont on aurait pu le tenir pour responsable. Donc, pour se protéger plus que par compassion, il a décidé de m'attribuer un poste d'humoriste quand bien même je ne ferais rire personne. C'est terrible, évidemment, mais mes protestations n'ont pas été entendues. Inutile de préciser que mes prestations sont fort peu demandées et que, par conséquent, mon rythme de travail demeure plutôt... léger, disons. N'empêche qu'entre ma prime et mon salaire, j'ai enfin pu faire appel à B. Nature pour ériger une maisonnette ! 

29-08-2020_23-43-07J'ai donc l'incommensurable plaisir de dormir dans un vrai lit, sous un toit, entre quatre murs. Nette amélioration, n'est-ce pas ?

29-08-2020_23-43-23Je me suis même payé le luxe d'avoir une pièce à vivre séparée de ma chambre. Par contre, le gros-oeuvre ayant sérieusement entamé mes maigres économies, j'ai bien sûr dû me contenter d'un ameublement basique et de qualité plutôt discutable.

29-08-2020_23-44-16Mais au moins, finies les séances d'exhibitionnisme, bonjour les douches dans une salle de bains sans sol ni tapisserie ni éclairage !

29-08-2020_23-45-24Finis aussi les repas sur-le-pouce, yaourt et autres céréales à toute heure de la journée, place aux vrais repas savamment préparés par mes soins ! Enfin, savamment... Vous me comprenez.

30-08-2020_09-00-12Pour résumer, donc, la bonne nouvelle, c'est que malgré quelques maux de dos en fin de journée (c'est que ça pèse lourd, ces petites choses dans le ventre, même au second trimestre), ma grossesse n'a pas été un obstacle à l'amélioration de mes conditions de vie, loin de là. De toute façon, il aurait été hors de question d'accueillir mon bébé dans les conditions précaires de mon installation. 

30-08-2020_09-07-05La mauvaise nouvelle, en revanche, c'est que Don s'est volatilisé tout le temps que j'ai porté son enfant. Que voulez-vous ? Une partie de moi s'y attendait, l'autre avait entretenu un maigre espoir... Et pour être honnête, c'est pour le bébé que cette situation me travaillait le plus. Moi, je n'étais pas amoureuse. C'est peut-être triste à dire, et même pas très glorieux, mais c'est ce que j'ai réalisé après quelques mois sans nouvelles de lui. Notre relation avait ses bons côtés mais nous étions si différents... Trop, sans doute. Mais mon bébé, comment le vivrait-il ? Serais-je assez pour lui ? J'ai eu beau essayer de rester optimiste, je n'arrivais pas à m'ôter ces questions de la tête.

30-08-2020_09-08-02Malgré tout, je n'ai pas été complètement seule puisque, contre toute attente, Makoa s'est montré très présent et incroyablement soucieux de mon bien-être. Inutile de préciser qu'il ne s'est rien passé entre nous, mais notre amitié s'en est trouvée fortement grandie. Le comportement de Don l'a dégoûté mais pas surpris, et il a eu la courtoisie de ne pas enfoncer le couteau dans la plaie à coups de "je te l'avais dit", "mais où avais-tu donc la tête" et autres remarques bien inutiles, quoique justifiées. 

"Wow, ça tape là-dedans !"

"T'as vu ça, un peu ? Et encore, là c'est gentillet, tu verrais le soir... On dirait qu'il réaménage tout l'espace ! Pour s'endormir c'est une épreuve."

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L'expression de son visage s'est assombrie comme elle le faisait toujours.

"Toujours pas de nouvelles de... ?"

C'était devenu la question habituelle, et ma réponse restait toujours la même.

"Toujours pas, écoute, j'ai arrêté de croire qu'il le fera. Tant pis, j'imagine ?"

30-08-2020_09-08-29"Quel nul. Bon, je me répète mais n'hésite vraiment pas à m'appeler si t'as besoin de quoi que ce soit, d'accord ? Aucune femme dans ton état ne devrait..."

"Hah, mon 'état' ! Ca va, eh, j'suis pas malade. Je peux me débrouiller."

"Tu vois ce que je veux dire, Alma. A ton stade le bébé peut arriver n'importe quand et tu dois être morte de fatigue en gérant tout toute seule."

Il marquait un point. Entre le jardin, le travail, mes répétitions de guitare et l'entretien -quoique minime- de ma maison, je me retrouvais chaque soir au bord de l'épuisement. Mais c'est pas comme si j'avais le choix, si ? 

30-08-2020_09-11-42Rendue à mon troisième trimestre, j'étais clairement devenue un poids pour mon patron (sans jeu de mots). Ma vessie ne coopérait plus, j'avais faim en permanence, mal au dos, mal partout, et je ne faisais décidément plus rire personne. Plus d'une fois il m'a suggéré de prendre mes congés maternité et, quand je dis suggéré, je veux dire qu'il m'aurait forcée s'il avait pu, mais rien à faire, c'était hors de question. A ce stade, le moindre Flouz comptait.

30-08-2020_09-14-40Et un beau jour, alors que j'attendais mon bébé d'un instant à l'autre... Qui ai-je aperçu devant ma porte ? Don Lothario, messieurs dames, en personne ! La bouche en coeur, sans prévenir, il a finalement décidé de se manifester après plus de huit mois sans la moindre nouvelle. Je m'y étais préparée tellement de fois ! Dans ma tête, j'agissais toujours dignement, je me montrais incroyablement mature, raisonnable et raisonnée, très magnanime, vous voyez le genre. Mais à ce stade je n'y croyais tellement plus que cette visite inopinée, ajoutée à mon cocktails d'hormones, a vite fait éclater tous les petits scénarii que je m'étais imaginés. 

30-08-2020_09-17-03Je lui ai foncé dessus comme une furie sans même lui laisser le temps de caler le plus petit "bonjour", "pardon", "hey", "salut la compagnie".

"Ugh, TOI ! QU'EST-CE que tu fais ICI, hein, qu'est-ce que tu veux ?!"

"Alma, je..."

"TAIS-TOI ! Quand je pense que je porte ton ENFANT, QUAND JE PENSE QUE... JE... Je... Je reviens !"

30-08-2020_09-20-22Au départ, j'ai cru qu'il s'agissait simplement de contractions dues à la colère mais que nenni, cet abruti de Don, par sa simple apparition, avait déclenché le travail ! J'allais accoucher ! Une fois passées les premières minutes (et le premier vent de panique), je suis ressortie aussi dignement que possible (si tant est qu'on puisse se montrer digne en soufflant comme un phoque) et ai ordonné à Don de me déposer à l'hôpital tout en lui interdisant formellement d'assister à la naissance de son bébé. Ok, c'était sans doute un peu cruel, mais j'avais vécu toute ma grossesse seule et j'étais déterminée à la finir comme je l'avais commencée. Je n'avais pas besoin de lui. Je n'avais besoin de personne.

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30-08-2020_09-22-12Après m'avoir injecté de quoi supporter la douleur, on m'a installée dans une espèce de machine qui faisait un bruit monstre en me demandant de ne surtout pas bouger. Le temps m'a paru incroyablement long et je ne pensais qu'une chose : serrer mon bébé dans mes bras. Finalement, j'ai entendu un cri...

30-08-2020_09-23-02Et j'ai compris qu'Arielle était enfin née.

30-08-2020_09-23-23Comment décrire les émotions qui m'ont traversée au moment où je l'ai soulevée dans mes bras ? J'étais à la fois heureuse, soulagée, fière, et paradoxalement j'ai ressenti une peur telle que je n'en avais jamais ressentie. Sera-t-elle heureuse ? Serai-je à la hauteur ? Aura-t-elle une belle vie ? Comment être sûre qu'il ne lui arrive jamais rien de mal ? 

"Bonjour, Arielle.", j'ai murmurré, "Je suis ta Maman. Oui, ta Maman rien qu'à toi. On va être bien, toutes les deux, tu verras. Je te promets de faire de mon mieux."

30-08-2020_10-57-52Don m'avait attendue dans la voiture. Il a insisté pour nous raccompagner Arielle et moi sans toutefois oser jeter le moindre regard à sa fille. Par peur, peut-être, ou par honte. Ce qui est sûr c'est qu'il était ému, certainement plus que ce qu'il avait imaginé. Quoi qu'il en soit, dans l'euphorie du moment, j'ai été prise de compassion. Je suis faible, pas vrai ?

"Entre. Je crois qu'on a des choses à se dire", je lui ai glissé en lui collant un bisou sur la joue.

30-08-2020_10-59-18Après un long et lourd silence (j'étais décidée à le laisser s'exprimer le premier), Don a enfin pris la parole.

"Arielle, hein ?"

"Arielle.", j'ai dit avec un sourire. Le silence a repris sa place initiale avant que, de nouveau, Don ne décide de le rompre.

"Je... suis sincèrement désolé. Je n'ai jamais eu de relation sérieuse avant toi et tu sais, l'engagement, c'est un truc qui me fout la trouille. Alors quand tu m'as annoncé que tu... Enfin... Tu vois. J'ai paniqué. Je me suis dit que je n'avais qu'à mettre cette histoire sous le tapis, ne plus y penser, ne plus t'appeler, ne plus te voir, comme si ça pouvait te faire disparaître. Je ne savais pas quoi faire de tout ça. De toi. J'aurais juste voulu que... Tout s'efface."

Je n'ai pu réprimer une expression entre tristesse et colère ; ses mots étaient douloureux à entendre.

"Pardon, je sais que c'est horrible. Mais je tiens à te dire la vérité, Alma. Parce que tu... t'as pas idée de la honte que je ressens à l'idée de t'avoir abandonnée pendant tous ces mois. J'ai jamais rien fait d'aussi minable de toute ma vie. Et j'ai aucun moyen de me faire pardonner. Mais je veux essayer de... Je ne sais pas, réparer ce qui peut l'être ?"

Il avait un regard qui paraissait sincère et parlait doucement, de manière articulée malgré ses quelques hésitations. Et j'ai senti tout au fond de moi renaître un espoir, naïf sans doute, que je pensais définitivement tari. Je voulais, je veux toujours, une famille pour Arielle. Pour moi aussi. Je n'étais pas sûre que c'est ce que Don avait en tête mais j'ai soudain eu le sentiment de pouvoir tout arranger et l'aider à passer outre ses réticences.

30-08-2020_10-59-39"Ecoute, j'ai pas besoin de te dire à quel point tu as merdé, pas vrai ? Tu l'as admis toi-même, c'était minable et lâche, et tu as l'air d'en avoir conscience. Ca ne rattrape rien mais c'est déjà ça. Alors si ta démarche est sincère, si tu veux vraiment essayer de réparer ce qui peut l'être, c'est... d'accord. On peut essayer. Pour elle."

Son regard s'est empreint d'une lueur particulière.

"Tu le penses vraiment ?"

"Hmhm. D'ailleurs... Tu restes ici, ce soir ?"

30-08-2020_11-00-50Une fois notre fille endormie, Don et moi nous sommes donc retrouvés. Il aurait mérité de dormir sur le canapé, de galérer mille ans avant de pouvoir ne serait-ce que m'effleurer mais toutes ces émotions ont eu raison de ma volonté et possiblement de ma dignité. Quand je vous disais que j'étais faible...

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2 septembre 2020

1.4 - Malaises

29-08-2020_23-01-39"C'est le pire choix que tu puisses faire, fais-moi confiance !"

J'ai rencontré Lilliana Kealoha. C'est la femme de Makoa. Malaise. Elle traîne souvent au Parc Central parce que leur fille, Nani, adore venir y jouer, et parce que ça leur permet généralement de retrouver Makoa à la fin de sa journée et de rentrer tous les trois à Sulani. La première fois qu'elle m'a adressé la parole, c'était pour me donner un conseil sur la cuisson des steaks que je faisais griller en vue de faire des hamburgers. Elle bosse en cuisine, alors elle s'y connaît. Est-ce qu'elle sait que je connais son mari ? Pas que je sache, et c'est tant mieux. Maintenant que j'ai fait sa connaissance, je me sens atrocement mal d'avoir osé tenter quoi que ce soit avec Makoa. On se croise très régulièrement depuis quelques semaines puisque je suis devenue accro aux grills libres d'accès. Ca me change des yaourts et des petits pois, disons. Mais là n'est pas la question. Lilliana estime que la société de BTP à laquelle je compte faire appel pour la construction de ma maison n'est pas digne de confiance. 

Personnellement, je la soupçonne de vouloir m'orienter vers une boîte à la politique plutôt écolo avec laquelle Makoa travaille en partenariat. Je ne lui dis rien, bien sûr, je lui octroie même le bénéfice du doute. Si ça se trouve, ConstruSim n'est réellement pas le meilleur plan. Allez savoir. 

29-08-2020_23-01-49"L'architecte que j'ai rencontré m'a semblé super sérieux, pourtant, le contact est bien passé et j'ai vraiment le sentiment qu'il a compris ce que..."

29-08-2020_23-01-57"C'est du blabla de commercial, tout ça, de la poudre aux yeux, je t'assure. Ils ne respectent jamais les échéances et en plus, le boulot est bâclé !", a-t-elle rétorqué en balayant mes objections d'un revers de main. "Prends rendez-vous chez Bâtiment Nature, tu verras. Ils sont tout aussi sympa et beaucoup plus pro. Attends, Nani me fait signe, je reviens", a-t-elle ajouté avant de rejoindre sa fille.

29-08-2020_23-02-27 "Alma, chérie, 'faut que j'y aille, mon train part dans 30 minutes. Je vais être à la bourre. On se voit demain ?"

Entre Don et moi, tout roule depuis ce soir où... Vous voyez.

29-08-2020_23-04-06Comme je travaille de 17 à 22 heures, on se voit généralement la matinée et plus rarement en soirée. C'est lui qui vient à Willow Creek la plupart du temps parce qu'avec ses trois colocataires, la tranquillité n'existe pas chez lui à Oasis Spring, et aussi parce que je préfère mille fois les extérieurs ici. Plus de verdure, plus d'oxygène. Mais Don préfère le gymnase d'Oasis donc il repart généralement en début d'après-midi, juste après déjeuner, pour aller soulever de la fonte. D'ailleurs il ne m'a jamais demandé pourquoi je ne vais plus m'exercer depuis que nous nous sommes croisés il y a quelques semaines mais je soupçonne qu'il ait compris que je n'y étais allée que dans l'espoir de le recroiser. Tant pis. Je n'ai pas le courage de m'infliger à nouveau cette torture simplement pour sauver les apparences.

29-08-2020_23-08-29Je ne joue toujours pas de guitare au boulot mais ça ne m'empêche pas de m'entraîner dès que je rentre. D'abord parce que je n'ai vraiment rien de mieux à faire, et ensuite parce que je continue de nourrir le rêve de vivre de ma musique. Ca finira bien par arriver, pas vrai ? 

29-08-2020_23-09-46Il me tarde de pouvoir entamer les travaux qui me permettront enfin d'avoir un toit au-dessus de la tête mais j'admets qu'à ma grande surprise, je commence à trouver du charme à mes dîners à la belle étoile. Enfin... Un bol de céréales, ça compte comme un dîner, hein ?

29-08-2020_23-11-14Ca ne devrait plus être très long, en tout cas, parce que mon jardin m'offre un complément de salaire non négligeable. Qui l'eut cru ? Je passe des heures à en prendre soin, désherber et arroser les plants, pour que mes fraises soient toujours de bonne qualité. Et mon travail paie, littéralement.

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29-08-2020_23-13-06Une chose est sûre : Don et moi avons vraiment besoin d'intimité. Lui trouve que ça ajoute un peu de piment, quant à moi j'estime qu'entre mes douches et ce que je fais aux toilettes, j'en montre déjà bien assez (quoique, jusque-là, j'aie eu la chance de ne jamais être surprise par qui que ce soit !)

29-08-2020_23-14-54Ce matin, après notre petite session câlins, n'est-ce pas, j'ai reçu une visite pour le moins inattendue. Je partageais mes doutes avec Don quant à l'entreprise que je devrais employer pour faire construire ma maison (Lilliana me fait douter) lorsque soudain : 

"Tiens tiens, mais ne serait-ce pas Makoa Kealoha ?"

"Ma... Quoi ?", ai-je bêtement répondu. Petit détail : Don ignore tout de la soirée que Makoa et moi avons passée ensemble et de ma stupide tentative de rapprochement. Il pense que si je le connais, c'est uniquement par l'intermédiaire de Lilliana. Malaise, donc.

29-08-2020_23-14-32"Hey, ça roule ?", a lancé Makoa avec la plus grande décontraction.

"Alors, mon vieux, tu t'es perdu ?", a rétorqué Don qui se demandait très certainement la raison de cette visite impromptue. Tout comme moi, au demeurant.

"Du tout, je viens voir Alma. Comment tu vas ?", a-t-il lancé en m'adressant un bref signe de tête.

"Euh, eh bien ça v..."

29-08-2020_23-15-46"Vous vous connaissez ?"

"En fait, on..."

"On s'est passé quelques coups de fil, rapport avec Bâtiment Nature."

"Oh, bien, bien."

"Je vais... me servir un bol"

29-08-2020_23-16-23"Alors, la réflexion avance ?"

"On était justement en train d'en discuter. Tu sais que ta femme est plutôt douée pour vendre ta boîte ?", a répondu Don.

"Techniquement c'est pas ma boîte, on est juste partenaires."

"ConstruSim a une réputation solide, t'es sûr que vous n'essayez pas seulement de vous faire un peu de pub ?"

"Si c'est le cas, c'est uniquement parce qu'on est certains de la qualité du service."

"Mouais, bon... Wow, 14h13, 'faut que je file."

29-08-2020_23-15-13"On se voit plus tard, Alma ? Passe le bonjour à Lilliana, Mak'".

"Noté."

Un bisou sur le front, et puis il s'est éclipsé au pas de course. Makoa m'a fait signe de m'asseoir sur la chaise avant de s'installer sur la glacière.

29-08-2020_23-17-51"Eh ben, ça a l'air de bien marcher, vous deux. J'imagine qu'il avait une bonne raison de te laisser en plan ce soir-là pour que tu finisses dans ses bras malgré tout". 

Ai-je senti une pointe de jalousie dans sa voix ? Peut-être. En quel honneur ? Allez savoir. 

"Ben écoute... Oui."

Il y a eu un silence gênant.

29-08-2020_23-17-41"Ta femme est vraiment une crème. C'est fou ce qu'elle est persuasive !"

"J'te le fais pas dire. Mais ceci dit c'est justifié, parce que ConstruSim, tu sais..."

L'incident n'a pas été abordé et nous n'avons, finalement, que discuté des avantages de B.Nature sur ConstruSim. Il m'a presque convaincue !

29-08-2020_23-18-45Bien plus tard, dans la soirée, j'ai été prise d'une nausée abominable et c'était loin d'être la première fois. Don et moi n'utilisons pas de protection... De son côté, je crois qu'il est simplement insouciant, quant à moi, je suppose que je nourris depuis le départ l'envie secrète de mettre au monde une potentielle héritière. Et pourtant je dors encore dans une tente ! A quel point est-ce une folie ? Bon, enfin, quoi qu'il en soit, les doutes étaient donc permis.

29-08-2020_23-19-07Un petit test plus tard...

29-08-2020_23-19-21J'ai eu la confirmation qu'un être humain miniature est bel et bien niché au creux de mon ventre. J'aurais bien sauté de joie, mais j'avais franchement trop mal au coeur pour ça. Beaucoup de sentiments se sont fondus les uns dans les autres. D'ailleurs c'est toujours le cas. Je suis à la fois heureuse et terriblement angoissée.

29-08-2020_23-19-51La première chose que j'ai faite a été d'appeler Don pour lui demander exceptionnellement de bien vouloir revenir ce soir. Il a accepté. Je ne savais absolument pas comment je lui annoncerais que je portais son enfant, je savais juste qu'il fallait le faire.

29-08-2020_23-20-39"Tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe ?", a-t-il demandé d'un air soucieux.

"Tout va bien, t'en fais pas, j'ai juste... Quelque chose à te dire."

29-08-2020_23-21-04"C'est un peu effrayant, mais pas que. C'est aussi très bien selon la façon dont on décide de voir les choses."

"Accouche."

"Tu ne crois pas si bien dire... Je suis enceinte."

Long, très long silence.

29-08-2020_23-21-23"Tu es QUOI ?!"

Oh, malaise...

31 août 2020

1.3 - Un heureux incident

29-08-2020_21-36-20Un incident est survenu ce matin. La journée commençait pourtant assez bien puisque j'ai vendu mes premières fraises ! Niveau qualité ça ne vole pas haut, bien entendu, mais c'est mangeable et pas trop moche alors autant dire que je suis fière de moi. Mais passons.

29-08-2020_22-16-22Je nettoyais soigneusement le bol que j'avais utilisé pour mon petit-déjeuner (du yaourt et des fruits, rien de folichon, mais je digresse) lorsque j'ai entendu une voix familière...

29-08-2020_22-16-44"Hey ! Belle journée ?"

J'ai prié intérieurement pour qu'il ne s'agisse pas de Makoa à qui je n'avais absolument pas dit que je vivais actuellement sur un terrain s'apparentant plus ou moins à un camping, en pire. Mais qu'est-ce qu'il foutait là, bon sang ? Et de quoi j'avais l'air, moi, à faire la vaisselle comme une imbécile dans un lavabo fixé sur un pan de mur au beau milieu de nulle part ? Oh misère, misère...! 

29-08-2020_22-16-58"Hey... Makoa", j'ai lâché en faisant volte face de l'air le plus faussement cool du monde. "Je ne pensais pas te revoir aussi vite !" Et surtout dans ces circonstances terriblement humiliantes.

"Qu'est-ce que tu fais là ?"

"Je bosse à côté, c'est ma pause dèj, j'en ai profité pour me balader un peu. Difficile de louper ta chevelure même à plus d'une dizaine de mètres ! J'étais pas sûr que ce soit bien toi mais... mais ça l'est."

Le voilà. Le regard. Celui qui interroge. Qui exprime un mélange de pitié et de stupéfaction. 

29-08-2020_22-17-11"Alors heu... Donc c'est quoi, ici, exactement ?"

"Elle est longue ta pause dèj ? Je peux te raconter, si t'as le temps, ça devrait te faire marrer."

Effectivement, il a bien rigolé.

29-08-2020_22-17-58Ce type a le don de m'aider à dédramatiser. Je ne sais pas comment il fait. Cette manière de rire, de tout tourner en dérision, mais sans jamais se moquer ni rabaisser, c'est presque de la magie. Et c'est tellement naturel ! Quelques minutes auparavant j'avais envie de me terrer au fond d'un trou tant je me sentais honteuse et maintenant, voilà que nous regardions les nuages sur ma pelouse et mon camping en carton comme si tout était normal. Ma situation n'avait plus rien de grave. Ca n'était plus humiliant. Ce n'était rien qu'une drôle d'anecdote. 

29-08-2020_22-20-06Le vrai incident est survenu après, quand Makoa a dû retourner travailler. Je me sentais bien, on avait bien ri, les nuages étaient beaux, bref, je me suis laissée emporter et j'ai voulu le serrer dans mes bras. Mais pas pour une accolade amicale, non non, un vrai câlin. Qu'est-ce qui m'as pris, vous dites ? Aucune idée. Mais cette initiative a été très mal reçue par Makoa qui, j'ai tendance à l'oublier, est un homme MARIE. Il va vraiment falloir que j'imprime !

"Désolé si je t'ai donné de fausses idées mais je ne suis pas du tout dans cet état d'esprit, Alma, qu'est-ce qui te prends ?"

En même temps, maintenant que j'y repense, c'est quoi son problème ? Ca traîne dans les bars, ça engage la conversation, ça s'adonne à une activité particulièrement inspirante et poétique avec une femme autre que son épouse, et ça s'étonne qu'on se fasse des idées ? Pff !

29-08-2020_22-20-26"C'est une très bonne question, haha, je ne sais pas à quoi je pensais ! C'est entièrement ma faute, désolée. Bon heu... Bah, bonne journée ?"

La vraie humiliation, c'était celle-là.

29-08-2020_22-22-34Vexée comme un pou, j'ai décidé sur un coup de tête de prendre le train direction Oasis Spring pour me rendre chez Don. Non, vous ne rêvez pas : après ce râteau monumental, j'ai estimé qu'il était adéquat de chercher du réconfort auprès d'un type qui m'avait posé un lapin la veille. Certains diront que je mérite l'avalanche de tuiles qui me tombent sur la tronche, d'autres préfèreront penser que je ne me laisse pas facilement abattre. Et si vous vous demandez comment j'ai su où il habitait, c'est bien simple : je l'ai espionné sur les réseaux sociaux. Ni plus ni moins.

29-08-2020_22-23-03J'ai toqué une, deux, trois fois : pas de réponse. J'entendais pourtant des voix ! Il y avait bien quelqu'un à l'intérieur. Est-ce que Don m'esquivait ? Un seul moyen de le découvrir : entrer sans qu'on m'y ait invitée. Flippante, vous dites ? Certainement pas.

29-08-2020_22-23-27La première chose qui m'a frappée en pénétrant à l'intérieur a été l'odeur d'un parfum de femme très, TRES puissant. J'ignorais qui était la coupable, mais elle avait dû se verser l'entièreté de son flacon sur la figure. Et si je me demandais à quoi elle ressemblait, j'ai vite été servie : elle est apparue sans se faire prier, très certainement intriguée par le bruit de mes talons sur le parquet.

"Je peux vous aider ?", a-t-elle demandé froidement.

"Bon... bonjour !", j'ai bégayé, "Pardon d'être entrée, mais je pensais que vous ne m'entendiez pas. Je cherche Don. Il vit bien ici ?"

"Don ?"

"Lothario. Don Lothario. C'est bien chez lui ?"

Elle a marqué une pause comme si je lui avais demandé si nous étions bien sur la Lune.

29-08-2020_22-23-33Après de longues secondes, elle a laissé échapper un rire qui m'a semblé vaguement moqueur avant de rétorquer, très laconiquement : "A l'étage". Je l'ai remerciée d'un bref signe de tête avant d'emprunter les escaliers, ignorant au mieux le regard que je sentais peser lourdement dans mon dos. J'ai même cru l'entendre marmonner un truc du genre "pauvre" je-ne-sais-quoi, mais j'ai décidé de faire la sourde oreille. Je n'étais pas venue pour me battre !

29-08-2020_22-24-12Arrivée à l'étage, mon coeur battait à mille à l'heure. J'ai eu envie de rebrousser chemin et puis je l'ai aperçu. Il était occupé sur l'ordinateur, alors je me suis approchée timidement. Je m'attendais à ce que l'objet de mon intrusion exprime une certaine surprise en me voyant débarquer ainsi chez lui, mais pas du tout, bien au contraire. Après avoir fermé précipitamment ses fenêtres de navigation (c'était suspect, d'ailleurs, mais passons), il m'a littéralement accueillie à bras ouverts ! Quel soulagement !

"Alma ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?"

"J'étais inquiète, alors je suis venue voir si tout allait bien."

"Mais comment... ?"

"Oh, tu sais, je connais un peu de monde..."

Bah voyons.

"Allons ailleurs, tu veux ? On sera plus tranquilles."

29-08-2020_22-28-04On s'est donc rendus au bar local, Le Jus de Crotale. Pas mieux que le Velours Bleu. Serait-il possible de trouver des bars décents, par ici ? Je ferai l'impasse sur les lumières glauques et la musique insupportable pour me focaliser sur Don. Après tout, c'est lui que j'étais venue trouver. Et, par bonheur, nous ne sommes pas restés longtemps, seulement le temps de grignoter de boire un peu. Rien qu'un peu. Don s'est platement excusé de m'avoir abandonnée hier (encore heureux !), c'était à cause de Dina, la blonde que j'avais croisée et avec qui il vit en colocation. Il m'a fallu rassembler pas mal de force et de talent pour accueillir cette nouvelle sans émettre de soupçons quant à la nature de leur relation, mais j'y suis parvenue. 

Bref, pour faire court, Dina s'était retrouvée dans une situation plus que douteuse avec un type rencontré sur Internet et Don avait dû la tirer d'affaires. Il avait fait pas mal de route, manqué de se battre, s'était engueulé avec Dina à qui il reprochait sa naïveté (apparemment c'était pas la première fois), et avec tout ça, le temps qu'il pense à me prévenir, il était déjà tard et, persuadé que je ne voudrais plus avoir affaire à lui, il a décidé de faire profil bas plutôt que de se répandre en excuses par téléphones interposés.

29-08-2020_22-51-26On a fini, je ne sais comment ni pourquoi, par se retrouver chez moi. La soirée venait à peine de débuter et ni lui ni moi n'étions décidés à se quitter. La tension est devenue de plus en plus palpable à mesure que les minutes s'égrainaient. 

"J'ai pas de mots pour exprimer à quel point je suis heureux que tu sois venue me trouver, Alma. Je m'en veux tellement pour hier..."

"Que veux-tu, tu avais une demoiselle en détresse à secourir... C'est plutôt noble, comme motif."

"J'en sais rien. Ce que je sais c'est que j'ai vraiment envie de rattraper ça. Je sais pas comment faire amende honorable mais..."

29-08-2020_22-52-01"Don ?"

"Oui ?"

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29-08-2020_22-53-35Etait-ce trop tôt ? Trop facile ? La bonne décision, ou la mauvaise ? Aucune idée. Pas la moindre. 

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29-08-2020_22-54-00Finalement, le rejet de Makoa s'apparente plutôt à un heureux incident. Et quelle douce conséquence...

 

 

31 août 2020

1.2 - La reine des idiotes

29-08-2020_16-20-31Deuxième jour. Les émotions de la veille m'ont permis de passer une nuit bien meilleure que ce que j'avais imaginé. J'étais initialement censée me rendre au travail pour 9h00 mais il y avait eu une confusion dans les emplois du temps et mon chef m'avait finalement demandé de ne venir que le lendemain. J'ai bien essayé de lui expliquer qu'une journée d'observation était toujours bonne à prendre mais il a insisté sur le fait que ma présence n'était pas nécessaire, je n'aurais rien à faire, ce serait une perte de temps blablabla. Soit. La vérité c'est qu'il n'avait probablement pas envie de me payer à observer mes collègues (ce qui peut se comprendre, soyons honnête), donc j'ai abdiqué. J'irais le lendemain. Je n'étais plus à un imprévu près, hein ?

29-08-2020_16-21-02J'ai repoussé un maximum le moment où il me faudrait prendre une douche au nez et à la barbe de tout le voisinnage mais il a bien fallu que je me lance au risque d'embaumer tout le quartier (ou presque). Eh bien vous savez quoi ? C'était pas si horrible que ça. De toute façon, soyons honnête : si quelqu'un m'a vue, le spectacle a dû être agréable. Et si je peux susciter un peu de bonheur en donnant de ma personne, pourquoi pas ? Egocentrique, vous dites ? Si peu. 

29-08-2020_16-21-43Comme je ne savais pas quoi faire, j'ai décidé d'aller me balader tout autour de mon terrain histoire d'aviser un peu mon bien. Et dire que tout ça m'appartient ! Croisant un fraisier plein de fruits, il m'a pris l'envie saugrenue d'en cueillir une petite poignée pour les replanter. Si je peux me faire un peu de sous en les revendant sur le marché, pourquoi me priver ? Petit détail : je n'ai jamais, de ma vie, fichu mes mains dans la terre. Je ne suis même pas certaine d'avoir déjà tenu un râteau entre mes doigts, c'est dire. On verrait plus tard. Ca ne pouvait pas être si compliqué...

29-08-2020_16-22-03Mes travaux manuels ne se sont pas arrêtés là puisque, passant devant une petite roche, je me suis arrêtée pour la casser et vérifier qu'elle ne cachait rien de précieux. Alice m'avait dit qu'il y en avait un peu partout en ville et qu'on trouvait parfois de vrais trésors ! Mais bon, pas de chance, je n'ai déterré qu'une espèce de figurine douteuse dont je me suis débarrassée au plus vite pour même pas 100F. Nul. 

29-08-2020_16-22-51Ensuite, ç'a été l'heure de pêcher, round 2. Pas plus concluant que le premier essai, et pourtant ça grouillait de partout ! Ca devient vexant, cette histoire. Peut-être que je m'y prends mal ? Sans doute.

29-08-2020_16-24-57Après tout ça j'en ai eu assez alors je suis "rentrée" (enfin, façon de parler) et j'ai mis mes semences de fraises en terre. Il me tarde de voir ce qu'elles vont donner ! 

29-08-2020_16-25-15En début d'après-midi, j'ai commencé à me demander ce que Don attendait pour m'appeler. Pas un texto, pas un appel manqué, rien. Silence. Moi, impatiente ? Bien sûr que oui non ! 

29-08-2020_16-26-16Je me suis défoulée sur ma guitare afin de joindre l'utile à l'agréable, et puis ça allait mieux. J'avais encore de longues heures à tuer, ceci dit, et je n'allais quand même pas m'écorcher les doigts avant même d'avoir pu démontrer tout mon talent à mon chef, du coup j'ai décidé de prendre le bus pour me rendre au gymnase, au hasard. Ca n'avait bien entendu aucun rapport avec le fait que Don m'ait dit qu'il aimait y passer du temps. Aucun rapport, vous dis-je.

29-08-2020_16-30-36Le fait que des gens puissent sincèrement apprécier ces instruments de torture est une idée qui me dépasse. Quelle horreur ! J'ai fait mon maximum pour faire bonne figure et conserver ma dignité mais très franchement, c'était l'enfer. L'EN-FER. 

29-08-2020_16-31-51Fort heureusement pour moi, cet enfer s'est très vite transformé en paradis lorsque j'ai aperçu la silhouette de Don. Enfin !

"Alma ?"

"Don ! Quelle surprise."

Tu parles. 

"C'est plutôt moi qui suis surpris... Tu ne m'avais pas dit que tu étais adepte de ce genre d'endroits", a-t-il ajouté avec un sourire qui en disait long.

29-08-2020_16-31-05"J'ai bien le droit de conserver un peu de mystère, non ?"

"Juste un peu, alors."

29-08-2020_16-32-59On a passé de longues minutes à minauder et à se tendre des perches, si bien que j'ai fini par me sentir tout chose. Mais bon, il faut croire que Don est un homme qui aime se faire désirer puisqu'il a fini par me faire faux-bond. Apparemment, il était réellement venu pour s'exercer, lui. Quelle plaie ! Il a eu l'élégance de me proposer de lui tenir compagnie mais très peu pour moi, j'avais eu ma dose.

29-08-2020_16-33-37On s'est donc quittés sur une longue étreinte qui n'a pas arrangé mon état et servirait à alimenter mes rêveries de la nuit...

29-08-2020_21-11-40D'ailleurs, pour finir la journée en beauté, j'ai décidé de me rendre une nouvelle fois au Velours Bleu non pas pour boire, cette fois, mais plutôt pour jouer et possiblement gratter quelques pourboires. Ca a marché ! Enfin, à peu près. 20F ça compte, non ?

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 Je me suis levée ce matin, fraîche comme un gardon, et plus que déterminée à faire mes preuves. Ceci dit, j'ai vite déchanté. Moi qui pensais donner des concerts dans des cafés-bars, j'ai dû... improviser des sketches en maison de retraite. Non, vous ne rêvez pas. Je suis en fait humoriste. Allez comprendre... J'ai  bien sûr pris mon boss à part pour lui faire part de ma perplexité, mais d'après lui c'est une étape indispensable pour se familiariser avec la scène, prendre ses aises devant un public, que sais-je... Sauf que je ne souhaite pas les faire rire, moi, je veux gratter de la guitare ! Je veux les faire danser ! Ou du moins, taper gentiment du pied en rythme, ce serait déjà pas mal. Mais je m'égare.

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Cette petite mise au clair n'aura pas été totalement inutile puisque mon chef a consenti à me promouvoir au poste de Chercheuse de scène ouverte. "Mais qu'est-ce que ça signifie, au juste ?", me demanderez-vous sans doute. Aucune idée. J'ai cru comprendre qu'il s'agit de démarcher des structures à la recherche d'humoristes et autres intermittents du spectacle mais sans certitude. D'ailleurs je ne vois toujours pas le rapport avec la musique mais enfin, je n'ai pas cherché à discuter outre mesure. Je gagne plus d'argent, c'est tout ce qu'il faut retenir. 

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29-08-2020_21-18-34Du coup, pour compenser mon manque de pratique au travail et être prête le jour où je ferai ENFIN le boulot auquel j'aspire, j'ai décidé de prendre le train jusqu'au quartier des arts de San Myshuno pour jouer devant les passants et amasser quelques sous supplémentaires. J'ai malheureusement mal choisi mon jour ; il n'y a eu presque personne. Les pourboires que j'ai reçus n'ont même pas suffi à amortir le prix de mon billet ! 

29-08-2020_21-22-06A peine arrivée "chez moi" (j'ai décidément du mal à l'écrire), j'ai reçu un appel de Don. C'était pas trop tôt. Un peu inutile, ceci dit, puisqu'on s'était vus à peine quelques heures auparavant, mais je comprends qu'il ait eu envie de m'entendre à nouveau, héhé. Il m'a proposé une nouvelle virée au Velours Bleu, ce que j'ai accepté sur-le-champ. 

29-08-2020_21-30-28Sauf que... Don n'est jamais venu. Je l'ai attendu longtemps, beaucoup trop longtemps, plantée au bar comme la reine des idiotes (que je suis sans l'ombre d'un doute). J'étais folle de rage mais, bien sûr, je n'ai rien montré, d'autant plus qu'un homme au physique plus qu'agréable est venu s'asseoir à mes côtés environ une demie-heure après mon arrivée.

29-08-2020_21-30-40"Vous n'avez pas l'air contente. Du tout."

"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?"

"L'expression de votre visage. Et le fait que vous ne teniez pas en place. Je me trompe ?"

Moi qui pensais duper le monde avec mon sourire de façade !

29-08-2020_21-30-45"On vous a déjà posé un lapin, monsieur... ?"

"Kealoha. Mais appelez-moi Makoa."

"Makoa. Ca vous est déjà arrivé ?"

"Pour être honnête jamais, mais j'ai du mal à croire que ça vous arrive."

J'ai lâché le rire le plus ridicule de toute l'histoire du rire, mais passons.

"Eh bien croyez-le, parce que c'est exactement ce qui m'arrive."

"Mais qui ? Qui a osé ?", a-t-il rétorqué avec un sourire irresistible et l'oeil étrangement rieur.

29-08-2020_21-31-43La réponse que je lui ai donnée n'a pas manqué de susciter une avalanche de rires. Il faut croire que Don Lothario est réputé pour séduire tout ce qui bouge, de Willow Creek à Oasis Spring, et Makoa ne comprenait pas comment j'avais pu me laisser charmer par ce séducteur de bas-étage. Enfin, d'après lui. D'après moi, Don est un séducteur plutôt talentueux, mais c'est un détail.

29-08-2020_21-32-20Makoa a tout simplement sauvé ma soirée. On a enchaîné les verres (qu'il a tous payés) et fait plus ample connaissance. Il se trouve qu'il est marié (zut) et père de deux enfants, dont un ado. Vous arrivez à le croire, vous ? Si jeune, et déjà père d'un adolescent ! A quel âge il l'avait eu ? Et qui est l'heureuse élue ? Des questions qui jusqu'ci demeurent sans réponse. Makoa est également obsédé par l'écologie. Il ne parle presque que de ça ! Pas que ça ne m'intéresse pas, mais j'aime mieux quand on parle de moi. Qu'est-ce que j'y peux ? Lui non plus ne vit pas à Willow Creek (décidément) mais à Sulani, une île qui se situe à environ une heure de bateau. L'une des boîtes avec lesquelles il bosse se trouvant ici, il est amené régulièrement à se rendre sur le continent. Une chance pour moi. Enfin non, puisqu'il est marié ! Où ai-je la tête ? Mais d'ailleurs, que fait un homme marié seul dans un bar à plus de minuit ? Une autre question sans réponse. 

29-08-2020_21-32-44"Si tu revois Don, pense à le remercier de t'avoir posé un lapin ce soir. J'ai passé une super soirée."

"Moi aussi, vraiment. Merci de m'avoir tenu compagnie."

29-08-2020_21-33-00"D'ailleurs... Tu penses qu'on pourrait échanger nos numéros ? Ca fait du bien de rencontrer du monde et je ne connais presque personne, alors..."

"Pas de problème."

Youpi !

29-08-2020_21-33-57Dans les dents, Don.

 

 

29 août 2020

1.1 - Pas si mal

29-08-2020_15-10-45Willow Creek. Dimanche. 7h00.

"Voyons voir... 50, route de..."

29-08-2020_15-11-34"Ca devrait être..."

29-08-2020_15-13-22"... ici ?"

29-08-2020_15-18-08Ici. Ce terrain immense, cette tente, cet affreux mur dénudé. Impossible. Ca ne pouvait pas être là... Si ? 

"Pincez-moi, je dois rêver..."

29-08-2020_15-18-49J'ai contourné le mur dans l'espoir d'y découvrir une équipe de tournage et des caméras cachées. On se serait fendu la poire, et puis on m'aurait emmenée sur les lieux du véritable "ici"pour lequel j'avais signé et allongé toutes mes économies, mais non. Pas de caméramen hilares, pas d'autre "ici", mais des toilettes et une douche de plein air. Un vrai cauchemar.

"Oh Alma... Mais dans quel pétrin tu t'es encore fourrée ?"

29-08-2020_15-20-44"Il y a forcément une erreur quelque part..." 

 Forcément hein ? Eh bien non. J'ai relu le contrat en long, en large et en travers mais il n'y a aucune erreur. Il s'agit bien d'un terrain de 50x50 à Willow Creek et l'adresse est la bonne. Il n'est mentionné nulle part l'existence d'une quelconque maison. Je l'ai entièrement fantasmée. C'est ma faute. Ceci dit, ma mère s'est bien gardée de me détromper, la fourbe. Elle cherchait le moyen le plus simple de se débarrasser d'un héritage encombrant et je suis tombée net dans le panneau. Quelle idiote, mais quelle idiote !

Au départ, le deal était le suivant : "j'héritais" (ou plutôt, j'achetais à moindre coût) un superbe terrain dans une ville que je ne connaissais pas et je devais m'engager à y vivre pour le restant de mes jours avant de passer la main à une héritière qui devrait elle-même y vivre jusqu'à sa mort puis passer la main à une héritière etcaetera, etceatera. Le nom Pearson devrait ainsi prospérer sur un minimum de dix générations et s'inscrire dans l'histoire de la ville. Pas mal, vous en conviendrez. Sauf que personne n'a pris la peine de m'annoncer que je ne partirais de rien et que je devrais faire mes besoins à la vue de tous. Oui, parce qu'en plus de ça, on m'a convaincue de vendre absolument toutes mes affaires sous prétexte qu'elles ne me seraient pas utiles. Misère...

29-08-2020_15-21-00"Mais pourquoi ne pas faire marche arrière ?", me demanderez-vous. Une foutue clause de non-rétractation sur ce fichu contrat. Voilà pourquoi. A l'instant où j'ai signé ce papier, je me suis condamnée sans le savoir à mener une vie d'exhibitionniste. "Mais pourquoi avoir accepté un tel défi ?", insisterez-vous avec insolence. Quand on vit dans une famille d'insupportables imbéciles et qu'on pense hériter d'une grande maison pour trois fois rien avec, à la clé, la perspective de fonder une lignée prospère, on dit oui. Tout simplement.

Bon allez, il y a bien un point positif dans tout ça : ma guitare est là. Et grâce à elle, j'ai la ferme intention de devenir une génie de la musique, puisque telle est mon aspiration. J'ai déjà trouvé un boulot dans le milieu et je commence dès demain. Pas question, donc, de m'apitoyer sur mon sort tout l'après-midi, j'ai des promotions à obtenir.

29-08-2020_15-22-24Dans sa grande générosité, ma mère a tout de même pris le temps de me parler des Spencer-Kim, mes voisins, lesquels ont la chance de vivre dans une immense maison de trois étages. Envieuse, moi ? A peine. "C'est toujours bon de connaître du monde, Alma, on n'a jamais trop de contacts, Alma, tu seras heureuse de pouvoir compter sur eux, Alma, gnagnagna, Alma." Cette petite cachottière culpabilisait sans doute de m'envoyer au charbon (et elle faisait bien), voilà pourquoi elle a tant insisté pour que je ne me retrouve pas absolument seule. J'ai donc pris le temps d'aller me présenter. 

29-08-2020_15-23-49"Alma ? Alma Pearson ?"

"Monsieur Spencer-Kim, je suppose ?"

"Lui-même ! Heureux de vous accueillir à Willow Creek. Alors, bien installée ?"

"Eh bien, c'est... On peut dire que oui."

C'était encore la réponse la plus simple.

"J'ai trouvé votre projet un peu étrange, pour être honnête, mais c'est pour le moins... rafraichissant ?"

Hinhinhin. "Rafraîchissant". C'est sûr que je ne risque pas de mourir de chaud, sans toit ni murs.

"A qui le dites-vous."

29-08-2020_15-24-13"Faut pas hésiter à venir toquer si vous avez le moindre souci. Ma femme Alice bosse depuis la maison et ma mère vit avec nous, en ce moment. Y'a toujours quelqu'un. Si vous trouvez porte close, c'est que l'heure est grave, ha ha ha !"

C'était pas si drôle.

"D'ailleurs Alice est là, si vous voulez. Elle sera ravie de faire votre connaissance, ça fait des jours qu'elle guette votre arrivée !"

29-08-2020_15-26-32Alice est une femme charmante. Elle et moi n'avons, pour ainsi dire, rien en commun, mais elle est si franche et spontanée que le contact s'est noué aussi facilement que naturellement.

"Et les Gothik, bon, 'faut pas se formaliser, ce sont de drôles de gens mais quand vous apprenez à les connaître vous découvrez des personnes adorables, vraiment. Sonia adore recevoir et elle le fait à merveille même si, entre nous, j'suis jamais très à l'aise, moi, dans ce manoir. Vous l'avez vu, sans doute ?"

"Immense, sombre, un style désuet ?"

"Dans le mille."

En deux heures, Alice m'a présenté la ville et tous ses habitants. C'était long, un peu fastidieux, mais au moins, grâce à elle, Willow Creek me semble un peu plus familière.

29-08-2020_15-45-19Du coup, en début d'après-midi, j'ai décidé d'aller visiter puisque je n'avais rien de mieux à faire. Je n'allais tout de même pas végéter toute la journée sur ma pelouse, n'est-ce pas ? J'ai donc pris le bus jusqu'au Parc Central et je dois admettre que l'endroit est magnifique. Cette ville est si verte ! La nature y resplendit d'une manière qui n'existe pas là d'où je viens. Moi, je ne connais que le béton. Autant dire que le dépaysement est total. 

29-08-2020_15-46-03J'ai eu l'occasion d'affronter (sans le savoir) une célébrité locale aux échecs. Le type n'a pas décroché un seul mot de toute la partie, vous le croyez, ça ? Une telle arrogance, c'est à peine croyable. Ca ne m'a pas empêchée de le battre à plates coutures, le bougre, et ce malgré les cris des fans hystériques qui ne cessaient de venir nous hurler dans les oreilles. Moi qui pensais que mon jeu soulevait les foules, j'ai vite déchanté quand j'ai compris que c'était mon adversaire que l'on venait acclamer. Bon, enfin, j'ai gagné, et c'est bien l'essentiel.

29-08-2020_15-47-32Après quoi, ayant remarqué une canne libre-service au bord d'un étang, j'ai décidé de m'essayer à la pêche. Et pourquoi pas ? C'était sympa mais les poissons n'étaient vraisemblablement pas d'humeur à se laisser hameçonner. Je suis donc repartie bredouille. Ils ne paient rien pour attendre, ceci dit.

29-08-2020_15-53-33Finalement, ne sachant plus tellement quoi faire, il m'est venu l'envie (que dis-je ? le besoin impérieux) de faire des rencontres. Et par rencontres, je veux dire LA rencontre. Vous voyez bien de quoi je veux parler, pas vrai ? J'ai donc demandé conseil à deux illustres inconnus qui m'ont orientée vers une boîte de nuit appelée le Velours Bleu. Ni une, ni deux, j'ai donc repris le bus direction ladite boîte.

29-08-2020_16-15-56Très franchement, le lieu avait triste mine et j'ai bien failli faire demi-tour à peine arrivée sur place. Mais j'avais payé un ticket de bus et étant donné ma situation, j'étais dans l'obligation morale de rentabiliser cette dépense. Du coup, j'ai pris place au bar. J'étais assise depuis moins d'une minute lorsqu'un type au look plus que douteux s'est installé à mes côtés.

"L'avantage des petites villes, c'est qu'on repère vite les nouvelles têtes. Surtout quand elles sont aussi jolies."

"Wow, c'est probablement l'approche la moins subtile de tous les temps."

Est-il utile de préciser que malgré cette réponse piquante, j'étais flattée comme une adolescente recevant son premier compliment ?

"Jolie, et avec du répondant. Vous êtes une denrée rare."

"Et vous êtes ?"

"Don Lothario."

"Don comme... un titre de noblesse ?"

"Don comme mon prénom."

"Navrée. C'est pas courant."

"Et à qui ai-je l'honneur ?"

29-08-2020_16-16-56Don et moi avons discuté longtemps. Très longtemps. Il ne vient pas d'ici mais d'une ville voisine, Oasis Spring, dans laquelle il vit en colocation. Apparemment, il est adepte du Velours Bleu depuis pas mal d'années et il apprécie l'ambiance un peu vieillotte et tamisée que, personnellement, j'exècre. Mais passons. Don n'a pas d'emploi mais une fortune telle qu'il n'en a pas besoin. Résultat, il passe son temps à faire la fête, rencontrer du monde, et s'entretenir au gymnase. Ok, tout ça n'a rien de passionnant, mais Don est incroyablement charismatique et surtout, il me fait beaucoup rire. On a passé la quasi totalité de la soirée à se répondre par piques interposées et, venue l'heure de se quitter, j'avoue que j'avais déjà hâte de le revoir.

29-08-2020_16-17-42"Bon, j'ai ton numéro et je compte bien l'utiliser. T'attends pas à ce que j'attende trois jours, hein, on a dépassé ce stade."

"J'apprécie l'audace. Je répondrai peut-être !"

"T'as intérêt, Alma. Allez, rentre bien."

29-08-2020_16-19-47

Alors voilà. Je suis rentrée, je me suis faufilée sous ma tente, dans mon sac de couchage, et j'ai décidé d'écrire pour ne rien oublier de cette folle aventure (et aussi parce que je n'ai actuellement rien de mieux à faire en attendant que le sommeil me gagne). C'est vrai, je n'ai rien. Rien qu'un terrain immensément vide, ma guitare, la promesse d'une carrière épanouissante et le numéro d'un homme qui s'est engagé à m'appeler (dans moins de trois jours, sans doute). C'est déjà pas si mal, non ?

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